
Enseignante et doctorante en droit privé
Lorsque le Maroc est entré dans la logique du commerce international, ce
dernier s’est trouvé face à un autre monde : un monde de l’économie
libérale et de la mondialisation. En
effet, Cet entré basé sur une conviction idéologique, celle des vertus de libre
échange, et sur l’action d’institutions chargées de la mettre en œuvre.
Conscient du rôle et de la place
qu’occupe la douane dans ces mutations, la douane est appelée, de par sa position
et son champ d’intervention, à renforcer son contrôle[1] notamment aux frontières. L’objectif c’est de garantir la fluidité des
échanges, concilier la sécurisation de la chaine logistique internationale et
faciliter un commerce licite, légal.
La
douane relève toujours d’une certaine idée « somme toute classique, de
protection économique aux frontières »[2] ou de « fonction régalienne spécifique de protection et de lutte
contre la fraude douanière ce qui se différencie de la simple collecte d’impôts
disparates »[3].
Cette fonction spécifique de protection
régis par une discipline particulière: le
droit douanier. Ce droit douanier peut être défini d’un côté comme le droit de l’administration
des douanes ou d’un autre côté comme le droit contenu dans le code des douanes.
Autrement dit, pour que l’administration des douanes exerce des compétences variées, elle faut s’attacher au droit
douanier.
En
effet, le droit douanier revêt de plusieurs caractères. Il revêt d’abord, d’un
caractère économique, fluctuant et évolutif
dans la mesure où il s’adapte aux changements économiques sur la scène international pour répondre aux besoins exprimés par les acteurs économiques,
investisseurs. Aussi, de suivre la libéralisation du commerce international,
les démantèlements tarifaires et non tarifaires, le cadre de normes de
l’Organisation Mondial des douanes (OMD), et, le respect des engagements issus
des organismes internationaux comme par exemple OMC[4].
Ensuite, Il s’agit également d’un droit à
un caractère technique dans la mesure où la législation douanière s’intéresse
aux aspects relatifs à l’espèce des marchandises importées ou exportées, leur
origine, leur provenance, la valeur, etc.
Enfin,
il revêt un caractère spécial au niveau de régime juridique de l’infraction
douanière et peines applicables, qui diffèrent
de celui de droit commun notamment sur le plan de répression, de la
prescription des faits et des peines.
Ce droit sur le plan juridique se caractérise par sa sévérité, même si il
y’a un système de transaction. Sur le plan pratique la constatation d’une
fraude douanière nécessite un bref moment, une simple déclaration soit verbale
ou écrite, sans déclencher la
réprobation de l’opinion comme le vol ou l’escroquerie, et sans prendre en
considération la personnalité de
délinquant.
Pour
cela, le droit douanier fait peser sur les responsables d’une infraction une
véritable présomption de responsabilité[5], qui entraine donc l’obligation de prouver sa bonne foi.
Sur ce point, la question de problématique qui se pose :
Peut-on dire que le droit douanier néglige la place de la présomption
d’innocence dans la constatation d’une fraude douanière? Et, est-ce qu’on peut prouver la notion de la
bonne foi dans le droit douanier ?
Pour répondre à ces questions, on va
aborder dans le premier paragraphe le
principe de l’innocence, et dans le
deuxième paragraphe la présomption d’innocence en droit douanier : La
présomption de culpabilité.
Paragraphe
1 : le principe de la présomption d’innocence
Comme
son nom l’indique, la présomption d’innocence est un mécanisme de la technique
juridique destiné à jouer principalement un rôle probatoire, c’est-à-dire une
période durant laquelle on juge la culpabilité de quelqu’un. Il est donc tout
naturel de tenter de la replacer dans le cadre de la théorie générale des
présomptions[6].
En
effet, la présomption est un principe fondamental souvent reconnu par la déclaration universelle des droits de
l’homme. La plupart des pays inscrit dans leurs constitutions cette notion,
c’est une croyance obligatoire à l’innocence de la personne présumée coupable.
La
présomption d’innocence telle que présentée dans la plupart des législations
tire son fondement de l’article 11 DUDH[7]
qui suppose l’obligation de croire d’abord à l’innocence de l’accusé et que la culpabilité ne soit légalement établie
qu’au cours d’un procès où toutes les règles de la procédure seront appliquées
à travers l’examen des preuves, des investigations etc. Ce procès doit être instruit
par un tribunal indépendant et partial où les droits de la défense ne sont pas
bafoués.
La
présomption d’innocence résulte d’un choix législatif de favoriser l’une des
parties au jugement : elle est une règle de protection de la liberté et
une garantie. Seule une décision du juge établissant sa culpabilité peut
renverser la présomption d’innocence[8].
Paragraphe
2 : la présomption d’innocence en droit douanier : La présomption
de culpabilité
La DUDH précise que toute personne accusée
d'une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été
également établie[9].
Présenter devant le public une personne comme coupable quel que soit le
support, image, vidéo, la presse, radio… expose par exemple un journaliste ou
l'éditeur d'un journal ou d'une revue, à une action en cessation de l'atteinte
à la présomption d'innocence permettant
même l’octroi des dommages-intérêts sous forme d’amende. Cela veut dire
que son atteinte sera sanctionnée par la loi.
Dans le
champ de droit douanier, on trouve par exemple des actes de contrebande les
importations ou exportations sans déclaration de marchandises[10],
Les fausses déclarations de nombre des colis ou de nombre des destinations ou
d’expédition ; Fausses déclarations dans l'espèce ou la qualité des
marchandises ; Fausses déclarations
dans la nature des marchandises, Fausse indication de l'origine, des
marchandises déclarées etc.
Ces pratiques illégales reflètent
la notion de la présomption de culpabilité à l'égard des personnes détentrices de
ces marchandises frauduleuses. Cependant,
l’infraction douanière contrairement au régime de droit commun où la
qualification de l’infraction nécessite la réunion de trois éléments :
l’élément légal (texte prévoyant l’infraction), l’élément matériel (un acte),
et un élément morale (l’intention). L’infraction douanière ne tient pas compte
de l’élément moral, selon l’article 204 de code de douane CD[11] l’infraction
est un acte, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une conception purement
matérielle. Autrement dit, l’infraction douanière étant matérielle existe par
le seul fait de l’inobservation du règlement, donc, n’est pas, nécessaire de
rechercher ni l’intention ni la faute de prévenu[12].
Dans ce contexte, pose le
problème de culpabilité. Dans l’infraction, la faute ou la culpabilité est
présumée de manière irréfragable, irrécusable, car elle ne saurait être mise en
échec même par les contestations les plus formelles des juges du fond, parce
qu’elle est nécessairement inhérente à l’acte accomplie. Mais, le délinquant ne
peut s’exonérer par la preuve de l’absence de faute, et du coup, elle laisse la
condamnation sans faute.
La théorie de la faute ne
résout pas le problème de culpabilité. Il suffit de considérer que même
l’infraction est une faute, c’est-à-dire le fait de commettre une
contravention, une faute contrevient à la loi. En droit douanier, un opérateur
économique, un voyageur, un entrepreneur, un membre d'entreprise, assureurs,
assurés, bailleurs de fonds, propriétaires de marchandises … sont toujours dans
la mauvaise foi, par rapport au droit pénal commun dont le délinquant peut
s’exonéré de tout responsabilité, et prouver sa bonne foi.
II est donc établi en droit douanier que toute personne trouvée en
une situation frauduleuse se voit considérée comme responsable avant d’avoir un
jugement définitif. La présomption de culpabilité fait supposer que l'auteur
d'une violation à la législation douanière est présumée coupable et engage sa
responsabilité du simple fait de la constatation matérielle de l'infraction[13].
Ainsi est coupable de tentative.
Donc, les présumés auteurs de violation à la loi douanière sont
malmenés avant de savoir s'ils sont coupables ou non. Ils sont coupables par le
simple établissement matériel de l'infraction à moins qu'il puisse prouver leur
bonne foi ce qui est difficile dans le droit douanier.
Pour conclure, Cette présomption de culpabilité s'illustre dans la
présentation du prévenu comme responsable des faits avant même le procès et
avant la décision de justice ce qui est contre le principe de la présomption
d’innocence, et, donc ce système bafoue les droits de la défense[14].
Les
références :
[1]Claude J. Berr et H. Trémeau, 2008, introduction au droit douanier,
Edition Economica, p. 6
2 Jean Luc Albert, 2011, faut-il conserver la spécificité
douanière ?, Edition RFFP, p. 234
OMC :
Organisation mondiale du commerce.
3 Jean Marc Fedida, 2011, le contentieux douanier, Edition PUF, que
sais-je ?, p. 2001
4 Mohamed Jalal Essaid, 1971, La présomption d’innocence, Edition la
porte, p.87
5 La déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 27 aout
1789.
6 Ph. Merle, thèse sur Les présomptions légales en droit pénal.
7 L’article 9 du DUDH.
8 Paul Béquet, 1972, contrebande et contrebandiers, Edition PUF,
p.128.
9 دون ماديا ارتكابه بمجرد الفعل
على يعاقب أنه »: بالدارالبيضاء الابتدائية للمحكمة حكم
« مرتكبه لنية
الالتفات
10 Martine Herzog-Evans. Gildas Roussel, 2015, procédure pénale: la
présomption de culpabilité, Edition Vuibert droit.
D’autres
références :
Abdelilah
Boulaich, Cours de Droit pénal Général, Edition Librairie El maarif, 1998
M.
Dalmas-Marty, Droit pénal des affaires, Edition PUF, 1990.
Yves
Gervaise, Le développement économique mondial, Edition Marketing, 1994.
Claude
J. Berr et H. Trémeau, introduction au
droit douanier, Edition Economica, 2008 ;
Don José Muanda, Le droit pénal douanier :
cours pratique de la branche du droit des affaires. 2012.
Mohamed Housni, le droit douanier au Maroc,
Edition le Harmattan, 2011.
J.
Patarin, le particularisme de la théorie des preuves en droit pénal, Edition
Dalloz.
Stéphane Detraz, Douanes-Infractions-
sanctions- Responsabilité, Edition Lexisnexis 2016.
Fil
30878, l’ADII, la poursuite des infractions douanières.
Code des douanes et impôts indirects.
J.
Patarin, le particularisme de la théorie des preuves en droit pénal, Edition
Dalloz.
Martine
Herzog-Evans. Gildas Roussel, procédure pénale: la présomption de
culpabilité, Edition Vuibert droit
2015.
Moulay Larbi El Alaoui, le droit douanier au Maroc : genèse et évolution, Edition livre Ibn Sina, 1996.
[1] Quatre types de contrôles ont été mis en place : contrôle de l’identité des personnes, le contrôle à posteriori, le contrôle différé, et le contrôle immédiat.
[2] Claude J. Berr et H. Trémeau, 2008, introduction au droit douanier, Edition Economica, p. 6
[3] Jean Luc Albert, 2011, faut-il conserver la spécificité douanière ?, Edition RFFP, p. 234
[4] OMC : Organisation mondiale du commerce.
[5] Jean Marc Fedida, 2011, le contentieux douanier, Edition PUF, que sais-je ?, p. 2001
[6] Mohamed Jalal Essaid, 1971, La présomption d’innocence, Edition la porte, p.87
[7] La déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 27 aout 1789.
[8] Ph. Merle, thèse sur Les présomptions légales en droit pénal.
[9] L’article 9 du DUDH.
[10] Paul Béquet, 1972, contrebande et contrebandiers, Edition PUF, p.128.
[11] L’infraction douanière est un acte ou une abstention contraire aux lois et règlements douaniers et réprimée par ces textes.
[12] دون ماديا ارتكابه بمجرد الفعل على يعاقب أنه »: بالدارالبيضاء الابتدائية للمحكمة حكم جاء
« مرتكبه لنية الالتفات
[13] Martine Herzog-Evans. Gildas Roussel, 2015, procédure pénale: la présomption de culpabilité, Edition Vuibert droit.
[14] Sébastien Rideau Valentini, 2009, le droit de la défense en matière douanière, Edition AJ pénal, p.206.